Tous les ans, les citoyens Alaskiens reçoivent un chèque issu de la rente pétrolière de son territoire. Cette année, le montant du dividende est très élevé, mais l’avenir de cette forme de revenu de base est aujourd’hui menacé par une partie de la classe politique.

Sur l’ensemble des expériences de revenu de base actuellement en cours dans le monde, celle menée actuellement en Alaska est la plus proche d’un revenu de base universel. 

Créé en 1976 par un amendement constitutionnel, le dividende citoyen est administré par le Fonds Permanent de l’Alaska. Ce fonds recueille au moins un quart de toutes les redevances minières de l’état, les sommes ainsi accumulées étant réinvesties dans les marchés financiers. Les produits financiers sont ensuite répartis de façon égalitaire entre tous les habitants de l’Alaska sous la forme d’un dividende citoyen.

Ce dividende est versé depuis 1982, mais son montant varie chaque année, en fonction de la moyenne des revenus financiers du Fonds pour les cinq dernières années. Ainsi, alors qu’il avait fortement diminué avec la crise financière de 2008, le montant du dividende n’est plus aujourd’hui affecté par les années de récession qui avaient suivi la crise. Il augmente donc de nouveau.

Cette année, les 644 000 habitants de l’Alaska enregistrés ou nés avant le 31 décembre 2014 recevront un chèque de 2072 dollars. Un montant record hors inflation, qui a été annoncé le 21 septembre dernier.

Menaces politiques sur l’avenir du dividende

Cela semble être une bonne nouvelle. Mais l’Alaska est aujourd’hui confrontée à ce paradoxe où les revenus du Fonds Permanent sont supérieurs aux revenus actuels du pétrole de l’Alaska. Paradoxe qui a récemment provoqué une vague d’attaques contre le dividende, en particulier de la part de l’actuel gouverneur républicain de l’Alaska, Bill Walker.

D’autant que le gouvernement alaskien fait face à un déficit budgétaire historique lié à la baisse du prix du pétrole a plongé l’Alaska dans un déficit budgétaire qui paralyse l’économie. De ce fait, une partie de la classe politique propose depuis quelques mois de réformer le mode de calcul du dividende afin de le réduire et utiliser cette manne financière pour combler le déficit du gouvernement.

Lors de la cérénomie de présentation du montant du dividende annuel, Walker a délibérément choisi de confier à une jeune fille de douze ans, prénommée Shania, le soin de faire l’annonce publique. Un signal visant à alerter les alaskiens sur la non-viabilité du fonds qui, selon lui, met en danger l’avenir des enfants de l’Alaska.

« Alors que nous sommes confrontés à un déficit de 3,5 milliards de dollars, nous versons aujourd’hui plus d’argent en dividende-citoyen que nous n’en consacrons à l’éducation des jeunes habitants de l’Alaska comme Shania » a déclaré le gouverneur à la presse. « Les alaskains doivent comprendre que ce n’est pas soutenable. Je suis convaincu qu’il nous faut, tous ensemble, trouver une solution, comme nous le faisons toujours quand les temps sont difficiles. »

« Il est temps de mener un débat ouvert et honnête sur l’état de nos finances, et sur la façon dont les ressources du Fonds Permanent peuvent constituer un atout. La vision du Fonds Permanent était de rendre renouvelable une ressource qui ne l’est pas, et c’est donc notre devoir de nous prononcer sur la manière de conserver au mieux ce don pour le bénéfice de tous les habitants de l’Alaska ».

Un message qui a été également repris par le lieutenant-gouverneur Mallott et par Eric Wohlforth, deux anciens membres du conseil d’administration du Fonds. Il préfigure les prochains débats sur la façon de réformer le Fonds.

« Le but initial du Fonds permanent était de préserver la richesse pour les générations futures de l’Alaska. Ce fonds est la propriété de tous. Dans les mois précédant la prochaine session législative, il faut donc que les groupes se concertent sur la façon la plus pertinente de gérer notre richesse. J’invite instamment tous les habitants de l’Alaska à devenir des investisseurs avertis, pour leur bien et pour le bien des générations futures », a conclu Eric Wohlforth, rendant ainsi les menaces qui pèsent sur le Fonds plus précises que jamais.

Article initialement publié par Stanislas Jourdan sur le site du BIEN.
Adaptation française : Pierrick le Feuvre


Crédit photo : U.S. Geological Survey