Mercredi 3 février dernier, à Charenton-Le-Pont au sud de Paris, avait lieu au Théâtre des Deux Rives, la générale de On a fort mal dormi, une pièce de Guillaume Barbot adaptée des ouvrages de l’anthropologue et psychologue Patrick Declerck. 

La pièce raconte son expérience de médecin au sein de l’hôpital de Nanterre dans les années 80. Pour mieux se familiariser avec les clochard”, cet homme osa se faire passer pour l’un d’eux pour sentir à leur côté leurs souffrances quotidiennes. Interprété avec force et sensibilité par Jean-Christophe Quenon dans un décor minimaliste, ce monologue nous fait entrer progressivement dans la peau de ce clinicien confronté aux sans-abris. 

Le revenu de base n’est certes pas le coeur de la pièce. Il en est pourtant l’incontournable point d’orgue. Nous sommes ressortis secoués tant par le texte interpellant que par la performance du comédien, l’ensemble renforcé par la mise en scène captivante et le jeu des lumières et des ombres particuliers, nous immergeant dans les souvenirs de Patrick Declerk. Nous vous la recommandons. Inconditionnellement.

Personnellement, elle m’a fait réfléchir sur cette condition de militant du MFRB (Mouvement Français pour un Revenu de Base) que nous avons choisi de devenir. Car par delà les controverses, parfois futiles, que nous aimons mener entre nous, le travail de Declerk nous rappelle avec force, horreur mais aussi humanité, l’indispensable nécessité d’un revenu d’existence qui ne se résume pas à la subsistance.

Nous qui estimons, parfois trop souvent, la question de l’extrême pauvreté comme secondaire dans les argumentaires que nous diffusons au grand public, il nous rappelle que c’est aussi au prix de la détresse de ces gens, les “clochards”, que notre ordre social est établi. Défendre le revenu de base, c’est aussi vouloir un monde où nos sociétés n’auraient plus à s’appuyer sur une telle violence.

Je me demande parfois, si en agissant au sein de ce mouvement, je suis utile à mes contemporains. Je me dis que nous perdons nos forces à nous agiter dans tout les sens, chaque fois plus pressés par l’actualité, l’impossibilité de nous comprendre voire de nous entendre. Je sens poindre certains jours une profonde lassitude, le découragement parfois. En sortant de la salle, j’ai eu la conviction que, malgré notre tâche qui peut paraître colossale, et même si parfois nous craignons avec raison de perdre pied, nous aurons au moins eu raison d’essayer.

Vous sortirez du théâtre sans oser briser le silence. Il est probable que vous hésiterez à applaudir. Sans doute sortirez-vous et avec plus de questions qu’en rentrant. Je vous garantis pourtant que vous ne regrettez pas d’être venu.

Pour finir, nous adressons tous nos voeux de succès à Guillaume Barbot et Jean Christophe Quenon. Merde à tous les deux !

Raihere Maruhi


Vous pouvez retrouver l’ensemble des représentations ici. Photo : DR.