Bien que sa part dans les recettes du budget de l’État ne cesse de diminuer, actuellement la solidarité et la redistribution repose encore en partie sur l’Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques (IRPP). Fondé sur le quotient familial avec le nombre de parts qui dépend de la composition de la famille, son barème est relativement simple mais le calcul de l’impôt est chaque année de plus en plus complexe étant données les multiples réductions fiscales et crédits d’impôts qui diminuent considérablement son rendement et mobilisent de nombreux contrôleurs tout en favorisant les titulaires de très gros revenus.

Les dépenses de solidarité engagées par l’État et divers organismes publics pour assurer un minimum vital à tous ceux qui n’arrivent plus à vivre d’un travail et dont les ressources familiales sont insuffisantes sont aussi très complexes à mettre en œuvre, stigmatisantes et humiliantes pour beaucoup d’allocataires. Les multiples clauses et les conditions d’allocation génèrent des frustrations et exigent de nombreux contrôles qui sont la cause de situations de plus en plus conflictuelles entre les allocataires potentiels et les personnels des organismes publiques qui distribuent ces aides diverses (lire cet article sur les incivilités à la CAF).

Je vais montrer que l’allocation d’un revenu de base (référence : 750 € ) financé directement par une cotisation sur les revenus d’activité (30 %) et par une contribution sur le patrimoine net de 1,5 % annuel se révèle beaucoup plus efficace et exige dans plus de 99 % des cas un effort fiscal moindre que celui imposé aujourd’hui.

L’IRPP : un impôt injuste et inefficace

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L’IRPP dans toute sa complexité réussit à abonder le budget de l’État de seulement 70 milliards d’euros soit autour de 3,5 % du PIB. Étant donnés les déficits des organismes sociaux qui n’arrivaient plus avec les cotisations à assurer leurs missions, il a fallu au fil du temps compléter ce prélèvement par l’impôt sur le revenu par une Contribution Sociale Généralisée (CSG) dont le taux sur les salaires atteint, avec la CRDS, 8 % et ramène dans les caisses de la Sécurité Sociale autour de 90 milliards d’euros. Si les plus démunis sont dispensés de l’IRPP, ils contribuent avec la CSG à leur propre solidarité. Avec le jeu des tranches et du taux marginal, le taux de l’IRPP augmente avec les revenus, comme le montre la diapositive 1/5 (Distribution des salaires).

Ainsi le taux réel sur un salaire brut par part passe pour l’IRPP de :

  • 0 % pour les très bas revenus à 
  • 30 % pour les 1 % des plus riches.
  • puis au delà pour les ultra riches avec la magie de l’« optimisation fiscale » , le taux diminue, comme le montrent C. Landais, T. Piketti et E. Saez dans l’ouvrage « Pour une révolution fiscale ».

Ainsi la très grande majorité de l’effort fiscal est concentré sur les classes moyennes et les classes aisées, les très aisées (au delà des 1 %) contribuent moins à la solidarité nationale que ce qu’est censé organiser l’impôt, grâce au jeu des réductions et crédits d’impôt.

Un revenu de base de 750 € avec une cotisation de 30 % des revenus, un puissant moyen de redistribution

En comparant le taux d’effort des prélèvements (CSG+IRPP) sur un équivalent salaire brut et celui qu’imposerait l’allocation d’un revenu universel de 750 € avec une contribution de 30 % je montre (diapositive 2) que :

  • pour la première tranche, alors que la contribution aujourd’hui est de 8 % (CSG+CRDS), elle deviendra négative à : - 35,1 %. Ainsi le gain lors du passage du système actuel au système avec un revenu de base serait de 43,1 % sur le salaire de base.
  • En ce qui concerne la quatrième tranche qui correspond à un salaire brut mensuel de plus de 18 000 €, soit un niveau supérieur au 1 % des plus favorisés, le taux actuel des prélèvement est de 37 %, avec le système revenu de base (750 €) ‑prélèvement de 30 %, le taux réel serait de 25,8 % soit encore un gain de 10,9 % sur la situation actuelle.

C’est bien ce qui est attendu du revenu universel : aider significativement et inconditionnellement les plus démunis sans spolier les plus aisés et la classe moyenne.

Ainsi le prélèvement de 30 % des revenus d’activités pour financer un revenu d’existence de 750 €, exceptés pour certains professionnels de la défiscalisation, n’est pas insupportable pour les riches. On peut même, à partir de 10 000 € brut par mois, ajouter une contribution complémentaire de 20 % sans spolier nos 1 % pour financer une décote de la contribution des salariés smicards à temps partiel.

La comparaison pour un foyer fiscal à plusieurs parts (famille avec enfants) donne les mêmes résultats, la situation étant toujours plus favorable avec un revenu de base à 750 €.

  • Il reste à étudier la charge supplémentaire de la contribution sur les patrimoines net de 1,5 %. (Taxe sur les actifs nets : TAN).

Le système actuel prévoit :

  • l’Impôt sur la fortune (ISF) pour les patrimoines nets supérieur à 1,3 million d’euros. Les taux marginaux s’étalent entre 0,5 % et 1,5 % pour les évaluations dépassant 10 millions d’euros. Compte tenu de son assiette très petite (il ne concerne que 3 % de la population) son rendement est négligeable : autour de 5 milliards d’euro pour 343 000 foyers imposés à l’ISF.

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  • Les revenus du patrimoine s’ajoutent aux revenus d’activités et sont imposables au taux marginal.
  • S’y ajoutent aussi les contributions sociales qui sont au taux de 15,5 %.

Avec le revenu de base, la contribution de 1,5 % s’appliquerait sur l’ensemble du patrimoine net privé dès le premier euro soit sur un montant moyen de 170 000 € par habitant ce qui représente un contribution individuelle supplémentaire de 212 € par mois et plus de 160 milliards de recettes totales. Ce montant de 170 000€ en réalité n’est atteint que par le quart de la population la plus riche. Le quart le plus pauvre possède moins de 3 600 € (Observatoire des inégalités).

En sachant que les revenus du patrimoine (loyers, dividendes, intérêts) ne sont pas concernés par le calcul de la contribution de 30 %, réservée aux revenus d’activité, afin d’encourager l’investissement en général, et de ne pas pénaliser les locataires sur les propriétaires et en considérant que les revenus sur le patrimoine sont de l’ordre de 3 %, une taxe de 1,5 % revient à imposer à 50 % les revenus du patrimoine, ce qui est aujourd’hui le taux (15 % CSG + 35 % IRPP) pour les personnes aux revenus supérieurs à 8 000 € mensuels soit les 1 %.

Les deux exemples d’un célibataire, aux revenus élevés type 1 % (salaire brut : 10 900 € et avec un patrimoine évoluant entre 0 et 250 000 €) et d’une famille aux revenus conséquents (13 320 €) et au patrimoine élevé (540 000 €) avec deux enfants de plus de 14 ans montrent que le niveau des prélèvements serait comparable à la situation actuelle (diapositives 3 et 4).

Afin de valider définitivement ce nouveau modèle de redistribution il faut montrer que par les économies générées et par de nouvelles recettes on peut se dispenser définitivement à la fois de l’IRPP (70 M€), de la CSG (90 M€) et de l’ISF (5 M€ ).

La fin des aides ciblées

L’allocation inconditionnelle d’un revenu universel d’un montant suffisant (750 €) doit permettre d’éliminer un ensemble d’aides complexes à mettre en œuvre et trop souvent insuffisantes. Ce sont pour la plupart des aides non contributives mises en place au gré des politiques sociales de divers gouvernements. Ce revenu universel se substituerait avantageusement aux aides suivantes :

  • RSA et aides pour l’emploi (allègement de charges, prime d’activité), (40 M€)
  • Toutes les aides à la famille (allocations familiales, rentrée scolaire, aides diverses) (25 M€ )
  • Aides aux personnes âgées (ASPA) (3 M€)
  • Aides aux logement (Allocation logement et aides aux propriétaires) (25 M€)
  • Bourses d’études- aide scolaire, cantine, etc… (8 M€)
  • Réduction des cotisations des fonctionnaires (A.F.) (7,5 M€)
  • Réduction du coût de fonctionnement de l’administration publique (évalué à 10 M€)

Soit un montant estimé d’économie de 118,5 M€.

Il faut y ajouter les recettes supplémentaires d’un montant de 47,8 M€ :

  • de TVA (suppression du taux intermédiaire de 10 % et consommation supplémentaire) (de l’ordre de 10 M€)
  • la cotisation maladie de 15 % de l’ensemble des retraités compensé par la suppression de la C.S.G. et un montant de pension plus élevé. (37.8 M€ ) (voir article précédent et le diaporama joint).

Avec le montant des économies et les recettes nouvelles (166,3 M€ ), la disparition progressive de nombreuses autres niches fiscales, (lien) il est possible de supprimer le système actuel de redistribution par l’IRPP, la CSG et l’ISF (diapositive 5) pour le remplacer avantageusement par un revenu universel, une cotisation de 30 % des revenus d’activités et une TAN de 1,5 % annuelle à laquelle s’ajoute une cotisation sur l’Excédent Brut d’exploitation qui se substitue avantageusement à la cotisation pour les allocations familiales de 5,7 % qui disparait.

L’article précédent « Comment sécuriser et renforcer notre système social avec le revenu d’existence ? » a montré les potentialités de ce revenu universel et de ce dispositif de financement associé. J’ai souligné combien le partage du travail et du temps libéré soulagerait à la fois les caisses d’allocation chômage et de l’assurance maladie.

Avec cet article j’ai montré encore une fois que contrairement aux idées reçues il n’en coûterait rien au finances publiques et qu’au contraire le revenu de base avec son financement contribuera à terme à réduire les déficits publics. Les plus aisés ne seraient en aucun cas spoliés, ils paieraient comme chaque citoyen leur juste part en fonction de leurs moyens. Enfin et c’est certainement le plus important on cesserait de diviser notre société entre le monde des assistés, le monde des classes moyennes et aisées qui financent les aides et celui d’une toute petite minorité (moins de 1 %) qui profite du système tout en se retirant de ses obligations élémentaires de solidarité.

Alors qu’attend-on pour dessiner la transition de notre système obsolète et injuste vers un puissant système de redistribution qui tout en mettant tout le monde à contribution donne à chacun une carte maitresse pour assurer sa propre réussite ?


Annexes :