Le Movement for Black Lives (MBL), réseau d’organisations derrière le mouvement états-unien Black Lives Matter (BLM), a publié le premier août son premier manifeste. Le texte appelle à l’établissement d’un revenu de base universel pour tous les habitants du pays, avec une part supplémentaire octroyée aux afro-américains pour réparations.

Le Movement for Black Lives, un collectif de plus de cinquante groupes liés au mouvement Black Lives Matter, a publié son premier manifeste officiel lundi premier août.
Le texte est construit autour de six revendications clés : mettre fin à la guerre contre la population Noire ; octroyer des réparations pour les discriminations passées et présentes ; investir dans l’éducation, la santé et la sécurité, tout en réduisant parallèlement l’investissement dans les systèmes d’exploitation ; établir la justice économique pour tous ; mettre en place un contrôle citoyen des lois et des institutions ; et construire un pouvoir politique Noir indépendant.

Le manifeste se veut clairement visionnaire et radical, recherchant une « transformation complète des systèmes actuels », mais les auteurs ont également détaillé des propositions politiques concrètes qui décrivent les étapes intermédiaires nécessaires pour atteindre ces objectifs.

Parmi les revendications du MBL figure un revenu de base universel, dans la partie consacrée aux réparations. Le texte demande clairement la mise en place d’un revenu de base pour tous les américains, avec une somme supplémentaire (un revenu de base « Plus ») donnée aux américains Noirs pour des réparations diverses telles que le colonialisme, l’esclavagisme et l’incarcération de masse.

Le politologue Dorian T. Warren, membre du Roosevelt Institute et siégant au bureau du Center for Community Change, est l’auteur de cette portion du manifeste. En voici la partie consacrée au revenu de base universel :

Qu’apporte cette solution ?
  • Un Revenu de Base Universel (RBU) est un revenu décent, inconditionnel et garanti, permettant de répondre aux besoins humains fondamentaux, constituant un filet de sécurité économique. Un RBU éliminerait la misère, en assurant la sécurité économique de tous via un revenu-plancher. À l’inverse de la majorité des dispositifs d’assurance et de protection sociales, il n’est pas dépendant des revenus, ni octroyé en l’échange d’un travail. Tous les individus adultes sont concernés.
  • Aucune autre politique sociale ou économique ne serait aujourd’hui d’une ampleur suffisante pour éradiquer les profondes inégalités systémiques qui touchent les communautés Noires.
  • Alors que les formes et les régulations de « l’emploi » vont changer rapidement dans les prochaines décennies — et quelle que soit l’ampleur de ces changements — il est probable que l’Amérique Noire et les autres populations déjà désavantagées soient les plus touchées par l’instabilité et l’insécurité économiques à venir.
  • Une somme supplémentaire incluse dans le RBU pour les Noirs américains, durant un temps donné.
  • Les sommes économisées par le désinvestissement des institutions de justice criminelle peuvent constituer un fonds pour le RBU. Cet argent peut être réservé au RBU « Plus » destiné au états-uniens Noirs. Couplé à d’autres financements, il constituerait une réparation, dans un accord majeur avec l’Amérique blanche : chacun serait bénéficiare, mais celles et ceux qui ont souffert de l’esclavage et du racisme permanent toucheraient un peu plus.
Action au niveau fédéral :

Le revenu de base universel devrait être voté par les deux chambres du Congrès puis ratifié par le Président. L’argent pourrait venir de sources diverses, ce qui nécéssiterait une réforme fiscale. Par exemple, une imposition plus forte des riches, une taxation des biens publics comme l’air (taxe carbone) ou de certaines industries (taxes sur les transactions financières), ou bien encore un dividende issu de l’exploitation de ressources appartenant à la communauté (le pétrole par exemple).

Action au niveau de chaque état :

De même qu’à l’échelon national, le RBU devrait passer la chambre législative de chaque état et être ratifié par les différents gouverneurs. Dans certains cas, la constitution des états devrait être amendée. L’exemple à suivre ici est le fond permanent d’Alaska, mis en place à la fin des années 1970. Chaque Alaskain perçoit un dividende annuel issu du placement des recettes dégagées par l’extraction des réserves de pétrole public.

En quoi cela répond-il aux besoins spécifiques des Noirs les plus marginalisés ?

Le RBU constituerait un filet de sécurité, assurant par exemple aux personnes incarcérées de quoi subvenir à leurs besoins essentiels après leur libération, un dispositif actuellement inexistant.

Le revenu de base universel serait une amélioration de la protection sociale existante, et bénéficierait d’abord aux Noirs les plus pauvres. Certains dispositifs d’aide, comme les bons de nourriture, sont perclus de restrictions paternalistes issues de préjugés racistes à l’encontre des bénéficiaires et de leur mode de vie. D’autres, tels que le crédit d’impôt, sont fortement liés à l’emploi, ce qui pose problème alors que le racisme structurel constitue encore aujourd’hui une barrière d’accès à l’emploi pour les Noirs. Le RBU est exempt de ces défauts.

Le document renvoie également vers l’article de Warren, « Universal Basic Income and Black Communities in the United States ». L’auteur y décrit les problèmes économiques liés aux inégalités raciales aux États-Unis, et propose le RBU comme solution. Il précise que la plupart des formes de revenu de base universel seraient bénéfiques aux communautés afro-américaines, et même qu’un « revenu de base strictement égal pour tous bénéficierait davantage aux états-uniens Noirs » puisque les blancs ont actuellement un revenu moyen plus élevé. Warren poursuit en soutenant la proposition d’un « revenu de base universel Plus », avec une part supplémentaire donnée aux afro-américains. Ce qui serait selon lui préférable, afin de « prendre en compte les inégalités historiques cumulées, aussi bien de revenu, de richesse et d’héritage, qui défavorisent les communautés Noires ».

Le mouvement Black Lives Matter est né en juillet 2013, après l’acquittement par un jury en Floride du policier George Zimmerman, accusé du meurtre de Trayvon Martin, un adolescent Noir non armé. Le mouvement s’est diffusé sur les réseaux sociaux par le mot-clé #BlackLivesMatter.

Ce mardi 9 août est l’anniversaire de la mort de Michael Brown, un autre adolescent afro-américain désarmé abattu par un officier de police, à Ferguson dans le Missouri il y a deux ans. Les manifestations qui ont suivi aux États-Unis avaient alors propulsé le mouvement Black Lives Matter sur le devant de la scène médiatique nationale.

La mise en ligne de ce manifeste marque la première publication par le mouvement d’une liste globale de revendications.


Article initial de Kate McFarland, publié sur BasicIncome.

Adaptation française : Maxime Vendé.

Illustration : CC BY 2.0 Gerry Lauzon.